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... in our room ...

Love You (1977)

Si l’on veut avoir une idée des ravages de la cocaïne sur les cordes vocales d’un chanteur, l’album Love You en donne un parfait exemple. Il suffit de jouer successivement Good Time et Solar System pour entendre ce qu’est devenue la voix de Brian Wilson en quelques années. Ça marche aussi pour David Bowie : Ziggy Stardust en 72 et n’importe quel album post-74. Cependant, une des incongruités de Love You est de présenter un morceau de 1970 au milieu de morceaux de 1976/77. « Une des incongruités » car cet album en recèle plus d’une. Il est patchwork tout en restant homogène, réussi tout en étant (un peu) raté, rugueux tout en étant plaisant, bref un disque curieux, bizarre mais indispensable pour tout fan de Brian Wilson.
Car son principal intérêt est d’être le premier album des années 70 à être une œuvre strictement BrianWilsonesque (et aussi la dernière). Si le précédent album avait été annoncé en grande pompe comme celui de son retour, les fans étaient quand même restés sur leur faim avec un album plutôt moyen à la pochette ringarde.
Cette fois-ci, la pochette est hideuse à souhait (Dean Torrence, vieil ami du groupe s’est chargé du design et a dû estimer à l’époque que la pochette computero-pixelisée était du meilleur goût et reflétait la modernité du groupe), mais le contenu est bien supérieur à son prédécesseur.

Brian n’a jamais été un grand parolier et il le prouve plus d’une fois dans ce disque, mais il n’a pas d’égal pour coller des mélodies uniques et imprévisibles à ces textes enfantins et/ou ridicules (pour le coup, Mike Love n’a pas dû avoir de problème pour comprendre ce qu’on lui faisait chanter !). Musicalement, après des années d’excès en tout genre et de vautrage au fond d’un lit, c’est le régime sec. La majorité des morceaux sont bâtis autour de claviers (essentiellement un bon vieux synthétiseur Moog et un orgue Hammond) et des percussions minimalistes (Keith Moon pouvait dormir tranquille !). On est loin du « wall of sound » spectorien qui avait consacré Brian comme un producteur- arrangeur de génie au temps de Pet Sounds. On est nettement plus proche de Smiley Smile (succédané du mythique Smile) mais en plus agréable à l’oreille. Malgré tout, quelques cuivres et un peu de guitare viennent parfois étoffer les chansons.

A l’instar de Today !, l’album se décompose en 2 parties : une première face up-tempo et une seconde plus romantique.

L’ouverture avec Let Us Go On This Way donne le ton : basse jouée au synthé, caisse claire très lourde et Carl qui lance un « yeah ! » de hard-rocker comme on n’en avait encore jamais entendu sur un disque des BB. On retrouve quand même de belles harmonies vocales sur le refrain. Roller Skating Child confirme que les synthés vont mener la danse et comme le dit Peter Buck dans les notes de pochettes de la dernière réédition, il est bien possible qu’à partir de là, le fan moyen des Beach Boys de l’époque ait enlevé le disque de la platine. Pourtant, sur le titre suivant, Mona, on retrouve quelque chose de plus classique et presque une production spectoresque. En tout cas un morceau très agréable, véritable boucle mélodique emmenée par Dennis. Lui succède Johnny Carson ... Une chanson souvent citée comme l’une des plus ridicules de leur répertoire (jusqu’à cette date). Cette ode à la gloire du présentateur vedette américain de l’émission culte « The tonight show » est néanmoins remarquablement mise en place sur le plan vocal et illustre bien l’austérité musicale de l’album (le pont instrumental: un duel orgue – batterie mémorable !).
Good Time est forcément un des meilleurs morceaux de l’album, tant par la complexité des arrangements que par son interprétation. Il avait été enregistré en 1970 mais n’avait pas été utilisé à l’époque. Quelques overdubs en 1977 lui ont permis d’atterrir sur Love You et c’est un petit bol d’air que d’entendre la voix de Brian dans ses meilleurs jours. L’intro à la batterie de Honkin’ Down The Highway n’est pas vraiment celle de When The Levee Break de Led Zeppelin, mais comme on en est au sixième morceau, on s’est habitué ... Un morceau sympathique pour prendre la route !
Et la première face se termine avec le mémorable Ding Dang co-écrit avec Roger Mc Guinn, auteur-compositeur prolifique et génial des Byrds. Sur le papier, on est en droit de se dire que le résultat d’une collaboration entre deux artistes de ce calibre ne peut qu’être sublime ... En fait, la montagne accouche ici d’une souris : 56 secondes de Ding et Dang qui se répondent en boucle sur fond de « whoooo » avec un petit couplet gentillet pour faire bonne mesure. Ce n’est pas désagréable malgré tout et ça permet de clore la première partie sur une note humoristique.

La face 2 est à mon avis la plus intéressante et la plus cohérente. Si l’on fait abstraction des difficultés audibles de Brian à chanter certains morceaux (Solar Sytem, Let’s Put Our Hearts Together), l’ensemble des morceaux reflète bien l’état d’esprit du génie enfantin et naïf : Solar System ; « Le système solaire nous apporte la sagesse », « S’il y a de la vie sur Mars, je pourrais y trouver ma femme » ... cela dit en toute sincérité sur des arrangements synthétiques du meilleur effet !
The Night Was So Young - I’ll Bet Is Nice - Let’s Put Our Heart Together sont trois belles chansons d’amour quasiment parfaites et ont leur place parmi les meilleures compostions de Brian. Airplane livre des parties vocales plus conformes à ce que l’on attend des Beach Boys et l’une des meilleures de Mike Love ; quant au final, il est particulièrement réussi : Brian et Carl se répondant, soutenus par le toujours omniprésent duo orgue-batterie ! Love Is A Woman clôt parfaitement l’album. On souffre avec Brian quand on l’entend chanter, mais il y met tout son cœur. Des cuivres et des chœurs étoffent parfaitement cette nouvelle chanson d’amour simple et sincère d’inspiration gospel.

Désormais reconnu par la plupart des admirateurs de Brian Wilson comme une de ses meilleures œuvres (en tout cas une de ses plus personnelles), ce disque n’a pas connu le succès commercial escompté. Il a certainement rebuté le fan qui avait découvert les Beach Boys avec Endless Summer en 1974. On ne serait pas fâché de redécouvrir cet album aujourd’hui avec les musiciens actuels de Brian Wilson !

Presse française

Best n°106, mai 1977, chronique (Francis Dordor)
Rock & Folk n°124, mai 1977, chronique (Benoit Feller)

Titres

  • Let Us Go On This Way
    (B. Wilson - M. Love)
  • Roller Skating Child
    (B. Wilson)
  • Mona
    (B. Wilson)
  • Johnny Carson
    (B. Wilson)
  • Good Time
    (B. Wilson - A. Jardine)
  • Honkin' Down The Highway
    (B. Wilson)
  • Ding Dang
    (B. Wilson - R. McGuinn)
  • Solar System
    (B. Wilson)
  • The Night Was So Young
    (B. Wilson)
  • I'll Bet He's Nice
    (B. Wilson)
  • Let's Put Our Hearts Together
    (B. Wilson)
  • I Wanna Pick You Up
    (B. Wilson)
  • Airplane
    (B. Wilson)
  • Love Is A Woman
    (B. Wilson)

Produced by Brian Wilson

Editions originales
Brother Reprise MSK 2258 - 04/1977 (Chart #53) (US)
Reprise K54087 - 05/1977 (Chart #28) (GB)
Reprise 54087 - 1977 (FR)

Réédition cd Two-fer 2000
(couplé avec 15 Big Ones)
(UE) Capitol 7243 5 27945 2 2

Réédition vinyle Capitol Records
Stéréo (2014)
US : B0021130-01

Edition française

1977 - Reprise-Warner Bros. / WEA Filipacchi Music - 54 087

Albums 1976 - 1980

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