Live At Knebworth 1980 (2002)
Une nouvelle décade ?
En cette année 1980, la nouvelle décade qui commençait devait être un nouveau départ pour le groupe. "Nous nous sommes posés les difficiles questions que nous évitions souvent dans le passé. Nous avons arrêté de nous battre et avons commencé à parler. Maintenant, tout est à nouveau en place. Alors que cette nouvelle décade commence, nous sommes excités et engagés dans notre musique et nos idéaux comme nous ne l'avons jamais été" déclarait à l'époque Carl Wilson dans une interview*. Y croyait-il lui-même ? Un an plus tard, il sortait son premier album solo.
Le groupe a un nouvel album à défendre, le décevant Keeping The Summer Alive produit par Bruce Johnston. Il s'embarque alors dans une tournée européenne, la première depuis 1972. Elle est assez courte : 6 concerts entre le 2 et le 9 juin et puis le groupe se produit le 21 juin au Knebworth Festival en Angleterre. C'est tout. Mais il est au grand complet. Brian, Dennis, qui fait son retour, et Carl Wilson, Mike Love, Alan Jardine, les cinq membres historiques, et le sixème homme, Bruce Johnston, sont là. Le Touring Band est complété par Ed Carter (guitare), Joe Chemay (basse et voix), Bobby Figueroa (percussions, batterie et voix) et Mike Meros (claviers).
Pathétique et dérisoire
Les concerts de la tournée semblent plutôt appréciés par le public* mais celui de Paris, le 8 juin au Palais des Sports, apparaît pathétique et dérisoire, du moins si on croit ce qu'en rapporte alors François Gorin, un fan pourtant convaincu, dans le numéro d'août du mensuel Rock & Folk**. C'est une plage abandonnée, couverte de détritus ... Y'a une brochette de Californiennes ex-sculpturales aux seins affaissés qui lorgnent d'un oeil morne les ébats dérisoires des Surfers Ramollis; ils sont ventrus et velus; se cassent la gueule tout le temps, avec des sourires que le sel marin a crispés à jamais sur leurs faciès hâlés. D'une estrade à même le sable, un folk-band des plus ringards rythme les piteuses pirouettes : les Garçons de la Plage. Ou encore : Le son est effroyable, les instruments inutiles, inaudibles, se noyant entre-eux.
Il semble bien que l'alcool avait trop coulé avant le concert, ce soir-là.
Alors, cet album live ?
Et bien, dans l'ensemble, c'est plutôt une bonne chose !
Tout d'abord, le concert est historique. Même si personne ne le sait ce jour-là, ce sera en effet la dernière fois que le line-up original, augmenté de Bruce, se produira sur une scène européenne. Ensuite, même s'il reconnait que le groupe dans cette configuration a produit de meilleurs shows, Bobby Figueroa qualifie le concert de plutôt bon*. Et c'est le cas.
La set-list n'a rien d'extraordinaire. Plus courte que pour un concert en salle, elle parcourt la carrière du groupe et fait place à deux chansons du dernier album qu'il faut bien défendre sur scène.
Il est possible de classer les titres de l'album en trois groupes. Les "dispensables" avec sans surprise les récents Keeping The Summer Alive et Lady Linda (un hit en Angleterre l'année précédente). Il y a les moments où le groupe semble en roue libre, voire parfois un peu laborieux, mais la qualité des chansons fait passer la chose (California Girls, Good Vibrations, Do It Again ou encore Cotton Fields/Heroes & Villains ...). Et puis, parfois, souvent, le groupe décolle et attrape la vague (les punchy Darlin', Be True To Your School, Help Me Rhonda, I Get Around, même School Days et les autres comme la version dépouillée de God Only knows).
Trois groupes, disions-nous ? Il faut en ajouter un quatrième, celui des chansons aux voix éraillées. A l'époque, Brian est traîné sur scène par le reste de la bande. Il plaque quelques accords, de temps en temps, sur un piano inutile, plus gros pantin que musicien. Alors quand il entame Sloop John B ou beugle sur Surfer Girl, les autres se dépêchent de prendre le relais. La voix, anciennement magique, est aujourd'hui écorchée. Et puis, il y a notre petite préférée, You Are So Beautiful interprétée par Dennis. Un titre attribué à Billy Preston et Billy Fischer mais auquel il aurait bien contribué à l'écriture. Comme tous les soirs quand il la chante, accompagné d'un seul piano, il la dédie aux filles de l'audience, comme tous les soirs, elle est poignante.
Alors ce concert fut enregistré (et également filmé ; un dvd est sorti peu après l'album, voir ci-contre) mais la bande ne fut pas jugée à la hauteur pour sortir telle quelle. En novembre 1980, le groupe est en studio pour ajouter des choeurs et refaire des parties de guitares et claviers. Pour autant, elle fut rangée sur une étagère. Ce n'est qu'en 2002 que Brother Records via une licence à Eagle Records en autorise la parution.
Et, avec ses petits défauts, dans l'ensemble, c'est plutôt une bonne chose ! Un enregistrement historique.
* Ian Rusten & Jon Stebbins : The Beach Boys In Concert (Backbeat Books)
** François Gorin, Rock & Folk, n°163, août 1980
