All Summer Long (1964)
« Arranged and produced by Brian Wilson. »
« Arranged and produced by Brian Wilson. » La mention, présente sur tous les disques des Beach Boys depuis Surfer Girl, revêt sur All Summer Long une valeur particulière. L'enregistrement de cet album fut en effet marqué par deux faits majeurs : l'éviction de l'omnipotent Murry Wilson et le recours de plus en plus fréquent à des musiciens de studio. Affranchi du joug de son père et de la formule étriquée d'un (piètre) groupe de rock, Brian peut désormais donner libre cours à sa créativité. Les effets sont immédiats : dernier disque à s'inscrire totalement dans la tradition « sea, surf and sun » de l'âge d'or des Beach Boys, ce sixième album en est aussi l'aboutissement. Jamais avant ce mois de juillet 1964 le groupe californien n'avait fait cohabiter des chansons aussi bonnes, aussi variées, et en si grand nombre.
« Hushabye », une berceuse à réveiller les morts
L'intro de xylophone de la chanson-titre est l'illustration toute trouvée d'un disque où l'énergie et l'enjouement n'empêchent pas certaines trouvailles sonores. Ce morceau n'est pourtant qu'une agréable mise en bouche avant celui qui lui succède, Hushabye. Écrit par Mort Shuman et Doc Pomus pour les Mystics en mai 1959, ce doo-wop gentillet se transforme, dans la version des Beach Boys, en une cathédrale pop, où le falsetto de Brian vient se poser comme une plume sur les harmonies vocales de ses frangins. Le son est superbe, rond, dense, simplement troublé par quelques roulement de batterie anachroniques. Passé cette gêne, on ressort terrassé de ces trois minutes solennelles.
Autres sommets, Little Honda et sa basse ronflante, We'll Run Away, l'habituelle balade romantique ici rehaussée d'un trait d'orgue, Girls On The Beach et ses harmonies serpentines, mais aussi Wendy, qui se présente à l'auditeur sur la pointe des pieds avant d'atteindre son point culminant dans un héroïque solo d'orgue (lui-même entrecoupé d'un solo de grippe : on entend distinctement l'un des Boys tousser).
Derniers rayons de soleil
À part ça ? Il y a bien ce titre méconnu, un certain I Get Around.
Trêve de plaisanterie : le premier numéro un de l'histoire des Beach Boys fait partie de ces chansons qui définissent le rock'n'roll. Dans l'ascension vertigineuse de son refrain (« I'm a real cool heeaaad ») résonne toute l'euphorie d'une époque, d'un genre musical, de la jeunesse même.
Plus anodin, Do You Remember? reste un hommage amusant aux pionniers du rock'n'roll. Drive-In, lui, se distingue surtout par les quelques secondes de silence au milieu du morceau (il fallait oser !), Don't Back Down par ses changements de tonalité déconcertants entre couplets et refrain.
Au final, seuls Our Favourite Recording Sessions et Carl's Big Chance (c'est-à-dire Carl Wilson ratant sa chance de devenir un guitar-hero) ne sont que pur remplissage. Autre infime regret, que la chanson-titre, placée au début du disque, juste après I Get Around, ne lui serve de conclusion (ainsi, du reste, que l'utilise George Lucas dans son film American Graffiti) : évocation nostalgique de l'été finissant, elle aurait fait une transition parfaite vers l'album Today!, premier jalon d'un changement de climat radical.
Un deuxième chef d'oeuvre
Après Surfer Girl en 1963, cet album est le deuxième chef- d’œuvre des Boys. Brian maîtrise désormais parfaitement la production, a à sa disposition tous les musiciens possibles, est en pleine possession de ses moyens, à tous les niveaux. Il n’est donc pas étonnant que cet album soit parfait du début à la presque fin, la déconnade, « Our Favorite Recording Sessions », étant vite oubliée.
Tout l’univers wilsonien de l’époque est ici condensé : les tubes parfaits dont le fameux « I Get Around », mais également le morceau-titre, « All Summer Long » et son xylophone magique, « Little Honda » et son groove aussi irrésistible que celui de « Drive-In » ; l’hommage au Rock’n’Roll, « Do You Remember ? » qui passe en revue plusieurs inspirateurs des Boys : Dick Clark, Chuck Berry, Jerry Lee Lewis ; les ballades célestes : « Wendy » son introduction [il faudrait étudier davantage le rôle des introductions dans certaines productions de Brian] et son solo d’orgue, ces « Girls On The Beach » qu’on aurait aimé connaître, « We’ll Run Away », qui annonce déjà la thématique de la deuxième face de Today et de Pet Sounds, la reprise de « Hushabye ».
Ultime cadeau de Brian : il offre à son frère Carl un écrin magnifique pour son « Carl’s Big Chance ».