Stack-O-Tracks (1968)
Arnaque ?
Pressés comme des citrons … Avec trois Greatest Hits, deux live dont un acoustique en studio, c’est peu dire que le catalogue Beach Boys aura été surexploité dès les années 60. Suprême curiosité et bide commercial, Stack-O-Tracks est une compilation, mais sans les parties vocales, uniquement les parties instrumentales. Un comble pour les maîtres de l’harmonie pop ! La pochette a au moins le mérite d’être claire et vous promets que vous pourrez « chanter les paroles et jouer sur les instrumentaux originaux de 15 de leurs plus grands tubes », avec en prime un livret avec les paroles, les accords et de nombreuses photos. Après avoir inventé dès 1965 avec Beach Boys’ Party! les concerts unplugged popularisés par MTV dans les années 90, les Beach Boys se retrouvent précurseurs de l’album karaoké. Arnaque ? Tout dépend...
P'tet ben qu'oui !
Pour sûr, ce n’est pas la compil’ à offrir au petit cousin pour qu’il découvre le groupe. De la même façon, on imagine le froncement de sourcils du fan de pop parcourant le bac nouveautés en cet été 1968 où la mode est plus à Hendrix, Cream ou aux Stones. Aujourd’hui peu importe la mode ou le contexte, avec le recul, il ne reste que l’écoute pour juger Stack-O-Tracks.
Rôôôh, ben non quand même enfin !
Brian n’avait-il pas finalement opté pour une version instrumentale de Let’s Go Away For Awhile jugeant qu’elle sonnait mieux sans les paroles ? Certes, rien sans doute sur Stack-O-Tracks ne surpasse les chansons originales mais cet album apporte un éclairage passionnant sur les productions signées Brian Wilson. On peut grossièrement distinguer l’avant et l’après Today! paru en mars 1965 et premier album peaufiné par Brian pendant que le groupe est en tournée. En effet, hormis Catch A Wave qui révèle au mieux ses cymbales imitant une vague se jetant sur une plage californienne, les titres pré-1965 souffrent de l’absence de vocaux et surtout de la comparaison avec les productions plus récentes. Ainsi, en ouverture, Darlin’ est taillé pour la danse et semble sortir tout droit du catalogue Motown, le motif au piano terriblement accrocheur étant habituellement noyé sous les voix. Les instrumentaux font également bien ressortir la dynamique infernale de Little Honda qui explose littéralement et tous, mais particulièrement Do It Again donnent envie de se prendre pour Carl, Mike, Alan, Dennis ou Brian et de chanter béatement à tue-tête.
Les titres issus de Pet Sounds sont à la fête avec Wouldn’t It Be Nice, Sloop John B, Here Today et bien sûr God Only Knows. Comme le prouvera bien plus tard le coffret qui lui est consacré, l’album entier s’écoute avec plaisir et fascination aussi bien en version instrumentale que vocale.
Vainqueur par KO
Seuls le martèlement binaire de You’re So Good To Me et le théremin ultra-répétitif de Wild Honey dénotent et plombent quelque peu le disque. Evidemment, le fan regrettera l’absence de tel ou tel titre (insérer ici votre choix, j’opte pour I Get Around) mais Capitol a depuis ajouté à l’édition CD trois bonus : Help Me, Rhonda, Our Car Club et surtout l’inestimable California Girls qui réapparaît brièvement en morceau caché à la fin du disque. Intelligemment couplé avec l’acoustique Beach Boys’ Party!, cela en fait un CD plutôt à destination des fans. Ceux-ci, à l’écoute de Stack-O-Tracks, découvriront ébahis que les détails sonores abondent et que le perfectionnisme de Brian Wilson n’est pas une légende : même amputés de leurs parties vocales, les titres des Beach Boys ont une instrumentation si riche qu’ils peuvent fonctionner ainsi. Faites le test avec les autres grands groupes de l’époque, Beatles en tête, et le résultat est Brian Wilson vainqueur par KO. A noter enfin que l’album n’est sorti au Royaume-Uni qu’en 1976 avec une pochette différente et que d’après Philippe Manœuvre, le test ultime pour savoir ce qu’une chaîne hi-fi a dans le ventre est l’écoute de ce disque et particulièrement la basse de Carol Kaye sur Sloop John B.