What I Really Want For Christmas (2005)
What I Really Want For Christmas sort en 2005. Brian Wilson a depuis quelques années repris sa vie d’artiste. Il est de retour sur scène et a sorti plus de disques en 5 ans que dans les 20 années précédentes.
Depuis 1998, sont parus 2 albums lives, 2 disques de compositions nouvelles ou jusqu’alors inédites, 2 albums présentant ses productions des années 60, et, last but not least, une version finale, aboutie et entièrement réenregistrée de Smile, le projet maudit de 1966.
Bref, il solde ses comptes, il a terminé ce qu’il avait laissé en plan, et peut désormais se consacrer à ses envies profondes.
Noël, Noël
En France, l’idée d’un album de Noël, nous ramène immédiatement à l’image ringarde d’un corse gâteux. Chez les anglophones, le genre est presque obligatoire, et s’il n’est plus aujourd’hui très rock and roll, des pointures des décennies précédentes s’y sont essayés avec talent, ne serait-ce que Phil Spector, les Four Seasons, ou tout simplement Elvis.
Qu’est-ce que Noël a à voir avec le rock and roll ? Noël est d’abord deux choses, une évocation de la naissance du Christ, donc un fait religieux, et une fête pour l’enfance.
Avant le rock, il y eu le gospel et le negro spiritual, et sans eux, point de rock. Ce qui fait l’essence du rock, le rythme, l’aspiration à la liberté, à se soulager des contraintes et du poids d’une existence étriquée trouve sa source dans la foi des esclaves, dans l’espoir qu’ils fondaient en un dieu qui leur apporterait la liberté et la grâce. Les transes du gospel et du rock sont de même nature.
Noël nous ramène tous, peu ou prou, à une fête lumineuse qui nous était consacrée lorsque nous étions dans notre prime jeunesse. C’est la fête la plus directement liée à l’enfance qui soit, et ne reproche t’on pas souvent à des stars de la musique d’avoir des caprices irrationnels, des comportements enfantins, de n’être pas vraiment adultes ?
Pas un disque gadget ou opportuniste
Brian Wilson est dans ce cas, c’est un être profondément immature qui cherche sans cesse à combler les manques de ses premières années. Voilà un homme qui d’un coté est croyant, prétendant même parfois que c’est Dieu qui lui dicte sa musique, et qui d’un autre coté est la victime d’une enfance pleine de blessures qu’il convient de panser et compenser. Il est un nexus parfait des fondements de Noël.
Se consacrer à cette fête par le seul biais qu’il maîtrise, la chanson, c’est tenter de donner forme à un idéal qu’il n’a pas connu.
Le titre de l’album est sur ce point très explicite. Nous n’avons donc pas là un disque gadget ou opportuniste, mais le résultat d’un réel désir et d’une nécessité, une expression de la nature intrinsèque de l’artiste.
Dans cet opus, le Noël rêvé, le Noël de l’imagerie populaire est sur-représenté. Sur les quinze pistes, dix présentent des airs traditionnels, issus d’un Noël semblant de toute éternité. Deux sont des reprises des Beachs Boys, comme pour souligner que ses propres compositions, à lui, Brian Wilson, sont désormais des classiques. L’aîné des Wilson est un être tourmenté, mais qui ne doute pas de son génie. Pour finir, les trois morceaux restants, dont le morceau titre, sont des créations récentes mais se marient parfaitement bien avec l’ensemble.
Le Christmas Album (1964) des Beach Boys se partageait entre titres rapides et joyeux et titres plus lents. What I Really Want For Christmas tente de retrouver cet équilibre, mais l’impression dominante reste une douceur mélancolique, agrémentée d’un souffle religieux.
Il est difficile de distinguer les chansons les unes des autres. Même si certains morceaux semblent mal placés, comme Litlle Saint Nick, l’assemblage des titres donne une impression d’unité qui en fait une œuvre en soi. On ne pioche pas dedans pour en extraire tel ou tel passage, on écoute en continuité, en se laissant porter par une impression de plénitude.
Du temps des Beach boys, Brian Wilson avait déjà pour habitude de s’accaparer les oeuvres des autres et de les faire siennes, leurs apportant une telle part de lui-même qu’il aurait pu en revendiquer les droits d’auteur. Dans l’album de Noël, ce même procédé devient presque irréel. O Holy Night ou Joy To The World ne serait donc pas des chansons du folklore populaire ? D’où vient cette impression de découvrir des chants que nous connaissons pourtant depuis toujours ? Brian Wilson est devenu co-auteur d’airs traditionnels.
Loin des années soixante
La réalisation du disque ne peut se comparer en qualité aux productions des années soixante. La voix de Brian n’est plus là et les Wondermint ne sont pas les Beach Boys. L’orchestration est loin de Pet Sounds. Il n’y a pas de volonté de faire une œuvre sophistiquée, de changer la nature de la pop, mais qu’importe ? La musique y est simplement produite de façon parfaite, adéquate et mesurée.
Brian n’y chante pas exceptionnellement bien, mais il y chante juste du début à la fin. Les arrangements sont équilibrés, les voix bien placées, tout concourt à donner à cette oeuvre une forme d’évidence. C’est l’album d’un artisan au service d’une idée.
C’est un album de Noël, appelé à prendre sa place dans une continuité, tout en y marquant la place de Brian Wilson comme un tailleur de pierre laisse sa signature sur une cathédrale.