Carl & The Passions, "So Tough" (1972)
"Si difficile"
“So tough”, “si difficile !” C’est en effet ce qu’ont dû se dire les patrons de Warner Bros quand les Beach Boys leur ont amené leur nouvel album en 1972. Il leur a semblé tellement difficile à vendre qu’ils n’ont même pas envisagé de le distribuer en un simple 33 tours mais ont préféré s’assurer quelques ventes en le couplant avec Pet Sounds … Oui mais voilà, le risque pour l’auditeur, c’est de comparer les deux, et là, forcément, Carl And The Passions fait pâle figure au regard de son prédécesseur de 1966.
Pourtant, il commence bien
Pourtant, il commence bien : You Need A Mess Of Help To Stand Alone est un morceau réussi et plutot inspiré de Brian et Jack Rieley pour les paroles. L’instrumentation variée et énergique soutient parfaitement la voix musclée du frangin Carl. L’adjonction des sud-africains, Ricky Fataar et Blondie Chaplin, donne enfin aux Beach Boys une assise rythmique efficace et cohérente tout au long de l’album (enfin jusqu’au cinquième morceau). L’influence du duo est majeure sur ce disque et on s’en rend compte dès le deuxième morceau Here She Comes qui n’a rien d’une chanson des Beach Boys. Si l’on oublie que l’on écoute un album de nos plagistes californiens, on peut apprécier ce morceau à sa juste valeur : un rock d’excellente facture … Mais le fan légitimiste est en droit de trouver ce titre complètement déplacé. Le débat est ouvert !
Avec He Come Down, on arrive au moment le plus pénible, à mes oreilles, du disque : le prêchi-prêcha gospel de Mike Love. Nouvelle ode à la Méditation Transcendentale dont il est un adepte depuis 1968 et sa visite chez le Maharishi en compagnie des Beatles ; le morceau a quand même la marque Beach Boys grâce à ses vocaux … Il n’empêche, il faut supporter les « I Believe » répétés en boucle !
Marcella nous rassure sur la capacité de Brian à pondre encore de bonnes chansons, même si celle-ci date des sessions pour Sunflower (sous le titre : I Just Got My Pay). Cet éloge de sa masseuse est le meilleur moment du disque et une belle réussite pour Carl en tant que producteur. On y retrouve tous les ingrédients d’un classique des Beach Boys et la magie opère encore.
Que dire du morceau suivant (Hold On Dear Brother), sinon la même chose que pour Here She Comes ? Cette fois ci le duo sud-africain ne s’illustre pas dans le rock mais plutôt dans un country rock proche de ce que peut produire le Band ou Little Feat. Encore une fois, le morceau n’est pas mauvais musicalement parlant (belle pedal-steel) mais assez déroutant sur un album des Beach Boys !
Récompense
Cette piste terminée, les plus téméraires des auditeurs qui seront restés jusque là seront récompensés de leurs efforts par l’écoute des trois derniers morceaux … A condition d’aimer les chansons tristes et dépressives de Dennis Wilson. Car Make It Good et Cuddle Up ne sont pas les plus réjouissantes des chansons du catalogue BB. Par contre, les orchestrations magistrales et dramatiques de Daryl Dragon sont l’écrin idéal pour la voix pleine d’émotion de Dennis. C’est sûr, sa vie sentimentale agitée aura donné naissance à de merveilleuses chansons et ces deux-là figurent certainement parmi ses meilleures.
Entre les deux, All This Is That est l’autre grand moment du disque de Carl et une autre chanson qui rentre dans les canons beach boyesques : des vocaux aériens survolent un accompagnement musical léger idoine.
A noter que sur ces trois derniers morceaux, l’influence du duo sud-africain est moins évidente (et même nulle pour les morceaux de Dennis !)
Au final, on se retrouve avec un album patchwork, pour le moins incohérent mais qui n’a rien d’infâme quoi qu’en pensent les gardiens du temple « Beach Boys ». Il contient même les germes d’un album plus homogène que la même formation produira l’année suivante : Holland.