Surfin' Safari (1962)
Même pas 20 ans
Que peut-on penser aujourd’hui de ce Surfin’ Safari enregistré en quelques sessions en 1962, principalement entre juin et septembre, à l’exception du fameux « Surfin’ » d’octobre 61 ? Les membres des BBs, dont David Marks, n’ont, pour la plupart, même pas 20 ans et l’on se demande bien en quoi cette œuvre de prime jeunesse peut rivaliser avec les chefs-d’œuvre à venir : Surfer Girl, All Summer Long, Today, Pet Sounds, Sunflower, etc.
D'abord un album de Rock 'n' Roll
On est néanmoins surpris et intrigué à l’écoute de ce disque : la fraîcheur du groupe et des interprétations est restée intacte et l’engouement est communicatif, même si l’on n’atteint évidemment aucun sommet.Surfin’ Safari est d’abord un album de Rock ‘n’ Roll –d’où la reprise du « Summertime Blues » de Cochran-, déclinant généreusement la formule mise au point sur « Surfin’ » dès 1961 pour des morceaux qui sont parfois composés en quelques minutes. On ne sera donc pas étonné d’un air de déjà entendu à l’écoute de « Surfin’ Safari », « County Fair », « 409 », « Cuckoo Clock » ou « The Shift » par exemple. De même, « Ten Little Indians », morceau un peu différent notamment dans la superposition des parties vocales, trouve son bis repetita dans« Chug-a-Lug ». Les vocales, justement : le lead est réservé à Mike Love avec, quand même, un morceau pour Dennis (« Little Miss America » auquel il confère d’emblée ce ton mélancolique qui lui est à jamais associé) et un pour Brian (« Cuckoo Clock »). Pour le reste, les Boys paient leur tribut à la musique surf en reprenant un classique des Gamblers, « Moon Dawg », comme ils le feront dans l’album suivant avec « Misirlou ».
Presse française
- Rolling Stone n°94, mai 2017, Chronique (Alain Gouvrion)
- Rock & Folk n°650, octobre 2021, la rubrique Discographisme consacrée à l'album (Patrick Boudet)
Copyright & Domaine Public
Aux Etats-Unis, les droits des artistes ou ayants-droit sont protégés 70 ans après la parution d'une oeuvre. La législation européenne a évolué durant l'année 2012, ramenant ce copyright à 50 ans. Toutefois, une extension du droit est accordée pour une durée de 20 ans à condition qu'une oeuvre, des morceaux ou des versions alternatives de chansons déjà parues par exemple, paraisse l'année de fin des droits. Cette extension s'applique alors aux oeuvres, un album par exemple, déjà parues. Les maisons de disque sortent depuis des inédits d'artistes, porteurs le plus souvent comme Bob Dylan, les Beatles ou encore les Beach Boys, réservés souvent au seul marché américain ; l'extension a alors une vocation mondiale.
A titre d'exemple, la sortie de la compilation numérique Big Beat en 2013 a non seulement protégé les titres y figurant mais a également prolongé pour 20 ans le copyright des albums des Boys de l'année 1963 (Surfin' USA, Surfer Girl & Little Deuce Coupe).
2012 est une année charnière, alors que l'institution européenne discutait et décidait finalement d'appliquer la nouvelle durée de protection des droits, les labels ne voyaient rien venir et laisser filer le copyright sans le prolonger. C'est ainsi que Surfin' Safari tombait dans le domaine public européen. D'ailleurs, l'album ne fit pas parti cette année-là de la vague de rééditions en cd par Capitol de 12 albums du groupe.
Depuis, les labels européens s'en donnent à coeur joie, rééditant Surfin' Safari dans tous les sens. Le site Discogs n'en dénombre pas moins de 17 différentes à ce jour.
Hallmark au Royaume Uni n'a pas tardé à agir. Il ne s'est pas foulé en reprenant les titres de l'album original sous une pochette d'un banal affligeant (ci-contre). Très petit prix néanmoins, moins de 6 €.
Le label anglais Not Now Music sort dès 2013 une réédition de l'album en versions mono et stéréo, en cd (NOT2CD475) et en vinyle 180gr (NOT475). Cette édition propose le titre Luau en bonus. La version stéréo est en fait l'édition originale dite duophonic, procédé technique utilisé dans les sixties par Capitol. Il se pourrait qu'un repiquage vinyle soit la source utilisée pour cette version. La pochette n'est pas l'originale mais utilise une photo de la même session, celle du "woody" sur la plage. Petit prix pour le cd.
A l'occasion du Record Store Day du 19 avril 2014, le même label propose la version duophonic de l'album, en vinyle bleu transparent 180 gr, accompagnée d'un 45 tours qui reproduit la version promo du 1er single du groupe Surfin'/Luau (Not Now Music / NOTLP002X).
Pendant ce temps là en France, les magasins Fnac qui n'ont pas droit au label du Record Store Day, ont créé le Collector Day en diffusant à la même date toute une série de disques en vinyle couleur également et en édition limitée à 300 exemplaires (pour la France ?). Pour le Surfin' Safari de nos Boys, c'est le label Doxy qui s'y colle avec une version en vinyle "splatter" transparent 180 gr (Doxy / DOK325).
Sous la même référence, le label avait déjà réédité le disque en 2013 ; bel objet d'ailleurs (vinyle 180 gr avec cd inclus) dans la série Dig-A-Log (DOK325 - 09/04/2013). L'album original figure sur la face 1 et la face 2 regorge des premiers pas en studio du groupe (Land Ahoy/Cindy Oh Cindy/Barbie/What A Young Girl Is Made Of/Surfin' Safari (Candix Session)/Surfer Girl (Candix Master)/Judy (Candix Session)/Karate (Candix Session)/Surfin' (First Attempt)/Luau (First Attempt)/Lavender (Demo)).
La palme de l'objet étrange revient à la compilation cd Surfin' 62 du label Rock Melon Music (RMMCD102 - 11/03/2013). Elle reprend bien évidemment l'album original auquel sont ajoutés la version originale (1er single) de Surfin', le simple signé Kenny & The Cadets, Surfin' Safari en version allemande ainsi que des productions Brian Wilson (Rachel & The Revolvers, Bob & Sheri). Jusque là tout semble normal mais l'étrange se trouve sur le second cd qui propose tout simplement en version "officielle" (?) la presque intégralité du fameux bootleg Unsurpassed Masters vol. 1 (1962)/The Alternate "Surfin' Safari" Album du non moins fameux label pirate Sea Of Tunes, originellement paru en 1997 (manque Cindy, Oh Cindy (Instrumental Take 8).
Les années passant, Surfin' Safari a continué à faire l'objet de multiples rééditions dans une belle anarchie. Une des dernières en date est celle du label Waxtime In Color. Le label français Wagran a sorti sa version en 2017 (voir ci-contre). Signalons pour le plaisir une parution sur le label russe Vinylogy en "picture discs". L'édition Glamourama Records de 2019 inclut un 45-tours en bonus avec les titres Luau & Judy des sessions "Morgan". La pochette de ce simple s'inspire de celle du single américain Surfin' Safari. Le 9 octobre 2020 paraît une version en vinyle jaune marbré en édition limitée à 1 111 exemplaires sur le label The Magic of Vinyl. En janvier 2021, c'est l'enseigne FNAC qui s'y colle avec une parution sur le label Saga (voir ci-contre).
Pour finir, remarquons que ces éditions ne reprennent généralement pas la version originale de la pochette qui peut, elle, être toujours sous copyright. Et pour le reste, Fouillez sur le site Discogs
Les trois albums suivants, Surfin' USA, Surfer Girl et Little Deuce Coupe ont fait l'objet de parutions encore plus sauvages que nous pourrions même qualifier de pirates, les droits ayant été régulièrement prolongés par Capitol Records, souvent par des labels russes. Mais c'est une autre histoire.