Brian's Back / 1976-1977
Par le bon Dr Faustroll
Goodbye God, Hello Surfing !
Brian’s Back est le nom d’une campagne publicitaire organisée dans la foulée des sessions de l’album 15 Big Ones, courant 1976. Tout a commencé, en fait, deux ans plus tôt, lorsque Capitol, la maison de disques historique des Beach Boys, décida de sortir coup sur coup deux compilations des succès sixties de Brian Wilson, Endless Summer en 1974 et Spirit of America en 1975. Ce fut un coup de maître ! Ces deux compilations de vieux succès écrasèrent largement tout ce que les Boys avaient produit depuis une dizaine d’années, ce qui, d’un strict point de vue commercial et non artistique, montrait la voie à suivre.
Deux conséquences
Il y eut deux conséquences à ce phénomène :
- il fallait tirer un trait définitif sur la partie la plus innovante de la discographie des Boys : la période inaugurée avec Today ! en 1965 et achevée péniblement en 1973 avec l’album Holland. Il allait falloir désormais en revenir à La Formule, c’est-à-dire celle qu’avaient illustrée les albums enregistrés entre 1962 et 1964. Il n’est pas outrageant de dire que c’était là le point de vue du clan Love (car désormais, l’histoire des Beach Boys va devenir une guerre de clans) ;
- la nécessité de remettre Brian au centre du groupe comme si sa longue absence n’avait été qu’une parenthèse. Warner, en effet, l’actuelle maison de disques, ne tirait aucun profit de ces compilations.
"Brilliant and Bogus"
Pire ! Les Boys n’avaient pratiquement rien enregistré depuis 1973 et Brian semblait avoir définitivement disparu. Il devait redevenir, même artificiellement, le centre du groupe, son âme. A cet impératif commercial s’ajoutait un impératif familial: Marylin Wilson ne supportait plus de vivre avec le junkie ventripotent qui ne quittait sa chambre que pour se fournir en drogues. Elle avait commencé une thérapie avec un certain docteur Landy dont les méthodes semblaient aptes à tirer Brian de son lent suicide.Et que se passa-t-il ? Brian composa, arrangea, enregistra et on le remit sur scène avec ce slogan Brian’s Back dont Bruce Johnston – peut-être vexé de ne pas avoir été rappelé à l’époque - dira dans le film Endless Harmony : « brilliant and bogus ». C’était à peu près ça, un mélange de « Top Hat » et de « Freaks ». Mike Love en tira même une chanson qui, trop en avance sur son temps sans doute, resta dans les tiroirs jusqu’en 1998.
Dès que l’argent commença à rentrer, on congédia Landy et Brian replongea de plus belle. Mais, ce n’était pas grave : on avait entre-temps rempli les stades, les poches de quelques-uns et les Boys étaient devenus : The America’s Band ! Ils commençaient, accessoirement, à perdre toute crédibilité artistique, mais qui s’en souciait ?
En France ...
1976/1977
Pour le réveillon de la nouvelle année, diffusion à la télévision sur Antenne 2 de l'émission On Ne Manque Pas d'Airs. Les Beach Boys y sont interrogés par Pierre Lescure pendant les sessions de l'album Love You. Un extrait, le titre Rock'n Roll Music, de l'émission américaine It's Ok (juillet 1976) est repris.
1980
Concert du groupe au grand complet (Brian, Carl, Dennis, Al, Mike & Bruce) le 8 juin au Palais des Sports de Paris.
Dans la presse française
Best n°90, janvier 1976, courte chronique de Holland (Francis Dordor)
Best n° 98, septembre 1976, chronique de 15 Big Ones (Sacha Reins)
Rock & Folk n°116, septembre 1976, chronique de 15 Big Ones (François Ducray)
Best n°99, octobre 1976, interview de Mike Love (Sacha Reins)
Rock & Folk n°117, octobre 1976, California Saga, interview de Mike LOve (Jean-Marc Bailleux)
Rock & Folk n°120, janvier 1977, chronique de Live in London 69 (Benoît Feller)
Best n°104, mars 1977, chroniques de Live in London 69, 62/65 & 66/69 (Sacha Reins)
Best n°106, mai 1977, La Symphonie Inachevée (Petsounds) (Francis Dordor)
Best n°106, mai 1977, chronique de Love You (Francis Dordor)
Best n°110, septembre 1977, Un autre été, les Beach Boys à la convention CBS (Bill Schmock)
Rock & Folk n°124, mai 1977, chronique de Love You (Benoit Feller)
Rock & Folk n°129, octobre 1977, chronique de Pacific Ocean Blue (Francis Ducray)
Best n°115, février 1978, poster beach Boys 63
Best n°124, novembre 1978, chronique M.I.U. Album (Francis Dordor)
Best n°131, juin 1979, quelques mots sur Light Album
Rock & Folk n°154, novembre 1979, Les Vieux Garçons, concert et interview (Dali de Clair)
Rock & Folk n°160, mai 1980, chronique de Keepin' The Summer Alive (Jean-Marc Bailleux)
Rock & Folk n°163, août 1980, revue du concert du Palais des Sports (Paris) (François Gorin)
Histoires d'Albums Perdus (vol. 2)
New Album
En 1976 et lors de la première moitié de 1977, Brian est de retour en studio. Il y passe beaucoup de temps et a, de nouveau, le contrôle absolu sur les sessions, tout comme 10 ans auparavant. « Remis en forme » par le docteur Landy, Brian a plusieurs albums en chantier aux concepts très différents : une suite de 15 Big Ones, le New Album, un album en grand orchestre à cordes avec Dick Reynolds, Adult Child et son contraire, l’album minimaliste aux instruments synthétiques Love You. On sait que seul le dernier aboutira.
Qu’en est-il exactement de ce projet? D’après les informations relevées dans le désormais indispensable livre de Keith Badman1, on apprend que les sessions de cet album et de Love You ont été communes et se sont déroulées principalement en octobre-novembre 1976 ; qu’un certain nombre de titres avaient déjà été enregistrés lors des sessions de 15 Big Ones ; qu’enfin, 4 anciens titres auraient été réarrangés pour l’occasion. Au bilan : un album qui aurait ressemblé comme deux gouttes d’eau à 15 Big Ones : des anciens titres, des reprises, quelques nouveautés dont deux titres consacrés aux sœurs Rovell : Marylin, la femme de Brian et Diane, sa belle-sœur dont il est amoureux depuis ... toujours.
Finalement, le New Album a été abandonné mais quelques titres se retrouveront sur le projet Adult Child. Pourquoi ? Outre l’habituel refus de la maison de disque, il faut aussi évoquer les conflits internes au groupe. La fratrie Wilson (Carl et Dennis) avait peu apprécié 15 Big Ones, en particulier le ton revivaliste et l’accumulation de reprises2 ; nul doute qu’un nouveau projet du même acabit ne devait pas les enchanter. C’est l’époque, d’ailleurs, où Dennis, lassé de tant de temps perdu, en profite pour mener à bien son projet solo, Pacific Ocean Blue (voir ci-contre). Du côté Love-Jardine, on adore évidemment ... ce manque d’innovation. Love You marquera provisoirement la victoire des Wilson avant, retour de bâton, le naufrage du M.I.U Album en 1978 et la nouvelle hibernation de Brian ...
Reconstitution du New Album :
D’après Keith Badman, l’album aurait contenu 13 titres :
a) Trois originaux : My Diane, Marylin Rovell, Hey Little Tomboy ;
b) Six reprises: Ruby Baby, You’ve Lost That Lovin’ Feelin’, Come Go With Me, Mony Mony, Sea Cruise, On Broadway ;
c) Quatre anciens titres réarrangés: Sherry She Needs Me, HELP Is On The Way, Games Two Can Play, When Girls Get Together.
Que sont –ils devenus ?Trois titres se retrouveront, réarrangés, sur le M.I.U. Album en 1978 : My Diane, Come Go With Me et Hey Little Tomboy. Sea Cruise sera publié sur la compilation Ten Years of Harmony. Les Boys ne semblent pas avoir travaillé réellement sur les anciens titres, à l’exception de Sherry, She Needs Me. HELP Is On The Way et Games Two Can Play connaîtront leur première sortie officielle sur le coffret Good Vibrations en 1993. Le reste est uniquement disponible en bootlegs et principalement sur quatre d’entre eux : Surfin’ Rarities volume 1 (Silver Rarities, SIRA 155) ; Dumb Angel Rarities volumes 3 & 4 (Dumb Angel, DA 004 et 005) ; California Feeling (Polyphone, PH 1315).
1The Beach Boys, The Definitive Diary of America’s Greatest Band, Backbeat Books, 2004.
2Voir Timothy White, “The Son Also Rises”, in Kingsley Abbott, Back to the Beach, Helter Skelter, 2003, pages 104-115.
Adult Child
La majeure partie de ce disque, enregistré début 1977, est toujours inédite. L’idée de départ est d’enregistrer un disque de chansons écrites pour un big-band, ces grands orchestres jazz rois de l’époque swing qui ont aussi accompagné Frank Sinatra ou Dean Martin. D’ailleurs, Brian avait écrit certaines de ces chansons en espérant qu’elles seraient ensuite au répertoire de grands crooners. Mais, comme souvent avec Brian ou les Beach Boys, des titres d’autres sessions ou de styles différents seront utilisés pour compléter ce projet d’album. On peut considérer que cela apporte une certaine richesse à l’ensemble, je pense plutôt que cela nuit à la cohérence de l’écoute.
Dans ce style big-band / crooner, on trouve trois superbes nouvelles compositions de Brian : l’enjoué Life Is For The Living, It’s Over Now et Still I Dream Of It. Ces deux dernières sont parus officiellement en 1993 dans le coffret Good Vibrations. It’s Over Now, duo entre Brian et son épouse Marilyn, aurait à mon avis pu devenir un excellent 45 tours. Bien des fans ont dû rêver à un duo ou une reprise par Frank Sinatra ! Deep Purple est, elle, une reprise assez anecdotique d’un standard swing. Etonnement, le style big-band / crooner fonctionne ici très bien, malgré les limites de la voix de Brian en 1976. Les arrangements de Dick Reynolds, qui avait déjà travaillé sur le Beach Boys’ Christmas Album en 1964, y sont pour beaucoup.
D’autres nouveaux morceaux sont enregistrés pour l’album mais dans un style différent, que je qualifierais d’intermédiaire entre 15 Big Ones et The Beach Boys Love You. Everybody Wants To Live est une chanson vaguement funky de Brian sur la cigarette. C’est un sujet qu’il maîtrisait bien puisqu’il en fumait quatre paquets par jour à l’époque ! It’s Trying To Say (Baseball) possède une belle mélodie chantée par Dennis sur un rythme enjoué, une bonne chanson bien meilleure que la plupart de celles qui seront incluses sur les albums qui suivront. Enfin, Lines, menée au piano, aussi courte que pop (1mn45 !), est chantée par Carl. La seule parution officielle de cette excellente chanson est une très bonne reprise par Douglas T Stewart, chanteur des BMX Bandits, sur l’album hommage Caroline Now !
Enfin, cinq titres sont ajoutés pour compléter l’album. Shortnin’ Bread est une comptine pour enfants faisant parti des obsessions de Brian. D’après la légende, il entraînait les rockstars venues lui rendre visite dans les années 70 dans d’interminables interprétations au piano de cette mélodie. La version incluse ici est celle enregistrée en 1973 par American Spring avec Brian aux harmonies, complétée par une nouvelle ligne lead de Carl. La chanson sera entièrement ré-enregistrée pour le L.A. (Light Album). Les quatre autres titres plus anciens figurent également sur l’album perdu de 1976 New Album. L’anecdotique H.E.L.P. Is On The Way, paru depuis officiellement sur le coffret Good Vibrations a été enregistrée en 1970 lors des sessions Sunflower et fut ensuite pressentie pour l’album resté lui aussi inédit Landlocked. Games Two Can Play date des mêmes sessions même si la production et le feeling sont plus proches de Friends. Cette chanson a elle aussi finalement trouvé sa place sur Good Vibrations. Datant des sessions 15 Big Ones, On Broadway est une des nombreuses reprises du tube des Drifters, une de plus, sans rien de particulier pour la distinguer. Finalement, le très macho Hey Little Tomboy, enregistrée en 1976 en vue du New Album est assez honteux1. Certes, la mélodie est assez efficace, mais que penser des paroles où l’on force un garçon manqué à enfiler une robe, se maquiller et à se raser les jambes ! Ce titre est inclus avec un mix différent sur le M.I.U. Album.
Le rendu de l’ensemble est assez curieux, les titres d’origines diverses se succédant dans un ordre qui semble assez aléatoire. On passe directement d’une chanson crooner-Vegas à une comptine pour enfants ou à des titres de seconde zone qui n’ont pas trouvé leur place sur les albums précédents. Peut-être est-ce pour cela que Warner a refusé l’album à la fin de l’année 1977, pourtant significativement meilleur que le médiocre M.I.U. Album à venir. Adult Child est paru sur divers bootlegs, le meilleur étant Landlocked / Adult Child sur le label Pegboy. Le Rarities vol. 4 sorti chez Dumb Angel, qui comprend Adult Child et de nombreux bonus de la même époque 1976-1977, est également très bon. Sur ce dernier, les titres Life Is For The Living, Hey Little Tomboy, On Broadway et It’s Trying To Say (Baseball) sont des remixes effectués par des fans.
Enfin, on peut remarquer que le titre Adult Child n’est pas anodin. En effet l’album contient des titres matures comme ceux écrits et arrangés pour grand orchestre mais aussi des titres très enfantins pour ne pas dire régressifs comme Hey Little Tomboy ou Shortnin’ Bread. Cet album est une curiosité qui devrait laisser de marbre le grand public mais les amateurs des Beach Boys et de bonne pop y trouveront largement de quoi se satisfaire.
1On peut aussi considérer cette chanson comme étant simplement « naïve ». Ce qui rend les bruits de cochon ajoutés par les « fans » sur le bootleg Dumb Angel, Rarities vol. 4 proprement insupportables ! (Charlie Dontsurf)