Beach Boys' Party! Uncovered And Unplugged (2015)
Afin d’éviter que les enregistrements inédits des Boys ne tombent dans le domaine public (50 ans après leur enregistrement), Capitol s’est lancé depuis quelques années dans l’édition officielle d’enregistrements inédits (Columbia fait la même chose avec les sessions de Dylan) afin d’en conserver les droits. Sauf que, faute de moyens ou doutant de l’écoulement de produits physiques, ces éditions n’ont connu jusqu’alors que des versions numériques (Keep An Eye On Summer et Live in Sacramento en 2014, Live in Chicago en 2015). Ce double cd est donc le premier exemple d’une édition physique.
Il faut supposer que le marché américain est toujours susceptible de se passionner pour un album qui, chez les fans hardcore européens que nous sommes, constitue depuis toujours un léger problème : cette suite de reprises sans grande envergure ne nous a jamais paru digne du niveau auquel les Boys étaient parvenus en 1965 (rappelons qu’ils viennent d’enchaîner All Summer Long, Today! et Summer Days (And Summer Nights)). En plus, l’album original était une entourloupe, faisant croire que tout était parfaitement en direct, alors que de nombreux overdubs avaient été ajoutés : bruits divers, rires, gloussements, froissements de paquets de chips, etc. On connaît la chanson : Capitol veut un album, Brian est en pleine expérimentation (en grand orchestre notamment) et songe à son chef-d’œuvre à venir : Pet Sounds, rien n’est disponible donc on bricole. Personne n’a sans doute pris cela au sérieux sauf le public : Party atteindra la sixième place des charts américains quand Pet Sounds ne se hissera qu’à la 10e. Va comprendre, Charles…
Alors, me direz-vous, quel est l’intérêt de ce double cd ? D’abord, d’avoir débarrassé l’album de ses overdubs (c’est la partie Unplugged). Est-ce que c’est mieux ? Sans hésitation, oui, même si ça ne change fondamentalement pas la qualité générale de l’ensemble. Les quelques bonnes interprétations de l’album original (I Should Have Known Better, Moutain of Love, You’ve Got To Hide Your Love Away, Devoted To You, There’s No Other Like My Baby) bénéficient assurément d’être délestées de leurs rires et bruits divers, sans pour autant atteindre le rang des incontournables des Boys. Ce n’était à l’évidence pas le but. Car, ce que nous font bien entendre les sessions, c’est la totale décontraction –voire le j’m’en-foutisme caractérisé- des répétitions, ce qui explique certainement qu’il ait fallu de nombreuses prises pour obtenir un résultat viable.
Ces sessions, c’est le côté Uncovered de l’affaire, sont la quasi-totalité des celles réalisées pour l’album en deux mois, entre août et septembre 1965. Sea Of Tunes, dans son temps, avait sorti un coffret 4 cds de Party, consacrant 3 cds aux sessions. C’était beaucoup. Capitol nous fait grâce de quelques titres et, pour une fois, on peut les en remercier. Car c’est un peu long d’enchaîner cette soixante d’essais et autres grosses rigolades dont les Boys étaient friands (qu’on se souvienne de Our Favorite Recording Sessions sur All Summer Long ou de Bull Sessions With Big Daddy sur Today!). Néanmoins, on peut entendre quelques titres non retenus sur l’album définitif (Satisfaction, Blowin’ In The Wind, Ticket To Ride, Ruby Baby, California Girls dans une version acoustique pas désagréable ou She Belongs To Me dans laquelle Mike se moque déjà du phrasé nasillard de Dylan, comme Dutronc le fera avec L’opération mais la comparaison s’arrête là).
Allez, ne boudons pas notre plaisir ! Party! est le dernier album des Boys où l’on sent un véritable plaisir d’être ensemble et de s’amuser. Les choses vont rapidement se dégrader avec Pet Sounds.
A noter que la deuxième version de Ruby Baby (disque 1, piste 20) était déjà parue dans le coffret Good Vibrations et qu’une version "unplugged" de There’s No Other figurait sur le coffret Made in California. Ces deux titres, et les autres, ont néanmoins été remixés pour cette édition par Mark Linett.